L'ODYSSEE : DU PAYS DES LESTRYGONS A L'ILE DU TRIDENT

23 octobre 2006

L'ODYSSEE

Ulysse quitte Eole et le Stromboli et, poussé les vents favorables de l'outre confiée par le Dieu, arrive en vue d'Ithaque. Las! ses compagnons ouvrent l'outre et les voici revenus à leur point de départ. Courroucé, Eole les expédie en pays lestrygon. Au prix ou sont les soutes en ce moment, nous éviterons cet aller-retour et, sans perdre de temps, nous irons directement vers ce port bien connu des marins : une double falaise à pic et sans coupure se dresse tout autour et deux caps allongés au devant de l'entrée, en étranglant la bouche. C'est Bonifacio telle que la décrivent les Instructions nautiques.

Du moins c'est ce que pense Victor Bérard. Jean Cusenier opte plutôt pour Porto Pozzo, petit port sarde situé de l'autre côté du détroit. Sardes ou Corses, les indigènes de l'époque reçoivent très mal nos gens d'Ithaque, les bombardant de pierres qui fracassent les navires au mouillage et en dévorant quelques uns tout crus.
Heureusement pour nous les lointains descendants des Lestrygons sont plus accueillants et ne pratiquent plus l'anthropophagie. Et si quelques uns, juste pour maintenir la tradition, perpétuent le lancer d'objets plus ou moins explosifs, nous pourrons descendre à terre et, du haut des falaises contempler les lieux qui furent le tombeau de la flotte d'Ulysse.

De là nous repartons de l'avant, le coeur navré,
heureux d'échapper à la mort, pleurant nos compagnons très chers.

Car Ulysse le rusé se tire d'affaire : il avait laissé son navire à l'entrée du port et peut gagner Aiaié, l'île de Circée aux belles boucles, la terrible déesse douée de voix humaine .
Dans les Marais Pontins, Monteo Circeo semble, de loin, être une île. C'est là que Circée a sa demeure, un peu à l'écart, dans le Val San Benedetto. Ulysse y file le parfait amour avec Circée tandis que ses compagnons rescapés font bombance. Rejoignant notre navire à Naples après notre visite chez Circée, sans vraiment faire bombance, nous pourrons toujours goûter une authentique pizza.
Mais harcelé par son équipage repu, Ulysse doit songer au retour et quitter les bras de Circée. Il se rend donc au Pays des Morts, l'Hadès, à quelques milles de là, pour y rencontrer Tiresias et obtenir de lui quelques conseils pour la navigation du retour. Franchement nous avons tout ce qu'il faut à bord pour la navigation et le Pays des Morts ne me tente pas trop : nous ferons semblant d'y aller, juste pour la forme, puis nous ferons route vers l'Ile du Trident, la Sicile. Même en tendant l'oreille nous n'entendrons pas les Sirènes puis, évitant Charybde le tourbillon et Scyla l'écueil, nous entrerons dans le detroit de Messine.

Les pêcheurs s'y postent-ils toujours en plein milieu criant dans leurs mains en porte-voix "Posta...Posta..." ? Il y a bien longtemps j'avais lancé ma bouteille à la mer avec, à l'intérieur, une lettre et une vingtaine de cigarettes : les pêcheurs l'avaient repêchée, fumé mes cigarettes puis timbré et posté ma lettre-épave qui était arrivée à destination bien avant moi.

Et Ulysse se résoud à faire escale au Port-Creux ( Messine) en prenant garde de ne pas toucher au cheptel local, car Tirésias l'avait averti : "Si à l'Ile du Trident vous touchez aux boeufs du Soleil, alors, ni ton navire ni tes gens n'en réchapperont". Nous escalerons donc à Messine pour visiter le Pays où paissent les boeufs du soleil. Bradford situe ce pays quelques milles plus au sud, à Taormina dont l'ancien nom est justement Tauromenion. Et c'est là que j'irai voir, assis sur les gradins du théâtre antique, au fond de la baie encadrée de cyprès, le soleil décliner lentement derrière l'Etna. C'est quand même autre chose que les colonnes de Buren.