LE TOUR DU MONDE EN 150 JOURS (Suite 1).
PANAMA.
Traversée tranquille depuis Le Havre : beau temps, belle mer.
Nous sommes arrivés en fin d'après-midi et nous ne prendrons le canal que demain matin. Le navire à quai à Colon, nous décidons, un collègue et moi d'aller fouler le plancher des vaches et de nous dégourdir les jambes dans la vieille ville.
Alors que nous déambulons sous les arcades de la rue Bolivar, venant d'une étroite venelle perpendiculaire, une forme humaine nous tombe dessus avec l'intention évidente de nous faire les poches. Je vois mon camarade s'écrouler sous le poids de l'assaillant qui deguerpit aussitôt, bredouille : les dollars sont dans les chaussures et les papiers d'identité dans une poche bien fermée. Les montres - elles sont quasiment données ici - ne semblent pas l'intéresser puisqu'elles sont toujours à nos poignets. Plus de peur que de mal mais nous décidons de rentrer à bord. Il ne faut pas tenter le diable...
Le lendemain matin nous entrons dans le canal.
Tiré et freiné à la fois par quatre tracteurs électriques à cremaillères, les "mules" de Panama, deux à l'avant et deux à l'arrière, nous franchissons les trois écluses de Gatun sous la direction du pilote américain qui vient d'embarquer avec son équipe de lamaneurs.
Tout en douceur et en précision nous prenons de "l'altitude" : nous voici à 26 mètres au dessus du niveau de la mer. Et nous entamons notre route vers l'océan Pacifique. Lacs, jungle, montagnes, chenal creusé dans la roche (au prix de combien de morts !) : rien à voir avec le canal de Suez.
A la nuit tombante, après avoir passé le sas de Pedro-Miguel, nous atteignons les deux dernières écluses, celles de Miraflores, qui vont nous ramener au niveau de l'océan. Le pilote nous fait alors un numéro digne de Lucky Luke : saisissant dans les poches-revolver de son pantalon deux torches de signalisation, il les fait virevolter pour les récupérer devant lui. Impressionnés nous lui demandons de nous refaire le coup de "l'homme qui tirait plus vite que son ombre" et il s'exécute de bonne grâce.
Et, après être passés sous le "Pont des Amériques" qui va être inauguré en octobre 1962 pour relier enfin à nouveau les deux morceaux du continent séparés depuis le creusement du canal, nous atteignons le Pacifique pour entamer une longue traversée.
A suivre...